Difficile de déterminer avec précision ce qui est à l’origine du skateboard. Difficile également de dater précisément le début de son histoire. A travers différentes étapes et au-delà des modes éphémères, le skateboard a en tous cas su s’affirmer comme un sport à part entière et un style de vie qui fait la fierté de nombreux riders.
Des origines floues
Qui de mieux que des amateurs de surf pour créer un sport analogue, qui s’exercerait cette fois-ci sur la terre ferme ? C’est la version la plus communément retenue, selon laquelle des surfeurs des années 1940 ont créé le skateboard. Ceci afin de pouvoir s’exercer hors des vagues et disposer d’un mode de locomotion pratique pour eux et leur planche de surf.
D’autres sources font remonter plus loin l’apparition des premières planches à roulettes. Dans les années 1920, alors que les courses de caisses à savon font fureur aux États-Unis, certains participants auraient eu l’idée d’abandonner leur caisse pour lui préférer une simple planche clouée sur des patins à roulettes.
1958-1965 : première commercialisation, mauvaise réputation et déclin
C’est en 1958 que les premiers skateboards sont vendus en Californie. La boutique de Dana Point, véritable référence pour les surfeurs, inaugure la commercialisation des planches à roulettes. A peine un an plus tard, on trouve la première mention du mot « skateboard » dans le Los Angeles Time. Décrit comme un jouet incontrôlable, il fait l’objet d’une demande d’interdiction, la faute aux nombreux accidents dont il est à l’origine. Souvent bricolés par les enfants eux-mêmes et donc généralement de qualité médiocre, les premiers skateboards ne vont pas sans leur lot de fractures…
Malgré cette mauvaise presse et peut-être grâce à elle, les fabricants s’efforcent d’améliorer la conception des skateboard. Les résultats ne sont pas probants au niveau de la sécurité. L’arrivée des roues en argile et les planches de facture industrielle donnent simplement plus de vitesse et de style aux skateboard.
Au début des années 1960, le skateboard évolue de passe-temps pour enfants casse-cou à loisir pour adolescents confiants. Très populaire jusqu’en 1965, il connaît ensuite un certain déclin : ses adeptes ont grandi, sont en âge d’avoir une voiture, et la génération suivante ne s’empare pas immédiatement du flambeau. Loin de sonner le glas du skateboard, ce reflux lui permet de repartir sur de nouvelles bases.
1965-1969 : culture underground et innovations
Le court-métrage Skaterdater, sorti en 1965, est un exemple d’anticipation culturelle. Montrant des jeunes parcourant les collines de Californie du Sud en skateboard, il investit des thèmes qui deviendront des marqueurs importants pour ce sport : le charisme, le courage, la perte de l’innocence, le refus de l’autorité, etc.
Si le skateboard affirme alors les codes qui demeureront les siens, il connaît aussi des innovations qui améliorent significativement les sensations des riders. En 1969, la marque Makaha Skateboards introduit le kicktail en courbant l’arrière de ses planches. Le skateboard devient ainsi plus maniable et aussi plus facile à arrêter.
Un an plus tard, un jeune étudiant de Virginie Occidentale, Franck Nasworthy, a l’idée de fixer des roues en uréthane à son skateboard. Convaincu par un résultat qui dépasse ses espérances, Nasworthy lance son entreprise de fabrication de roues de skateboard, Cadillac Wheels. L’innovation est telle que Ben Marcus, l’auteur d’un ouvrage sur le skateboard, compare le passage de l’argile à l’uréthane à celui du bois au pétrole pour le mode de chauffage ! Outre un surcroît de sécurité, l’uréthane apporte de meilleures sensations aux skateurs, qui peuvent s’approprier de nouveaux terrains.
Années 1970 : nouvelles améliorations et apparition des premiers skateparks
La concurrence fait rage sur la côte ouest des États-Unis où de nombreuses marques veulent s’inscrire dans l’industrialisation naissante du skateboard. Certaines se spécialisent dans les planches quand d’autres préfèrent perfectionner les roues ou les trucks. Le skateboard en ressort une nouvelle fois grandi : les roues, pourvues de roulements à billes, sont désormais vendues avec un indice de dureté et les premiers modèles de planches conçues à partir de 7 plaques d’érable apparaissent. Dans le même temps, les skateboards s’élargissent, se dotent d’un concave et l’on commence à vraiment distinguer le nose et le tail.
Même si les riders des années 70 privilégient la vitesse pure, l’apparition du Ollie, tout droit sorti du skate d’Alan Gelfand en 1978, va révolutionner la discipline ! Ce saut au cours duquel le skateur ne tient pas sa planche devient l’une des composantes majeures du skateboard moderne. Il en découle de nombreuses variations qui instituent le street skateboarding comme une pratique à part entière.
Au milieu des années 1970, les premiers skateparks sortent de terre en Floride et en Californie. En 1979, on en compte déjà 400 ! Cette incroyable inflation masque une triste réalité : de moins en moins de compagnies d’assurance acceptent de couvrir ces lieux et la plupart des skateparks ferment avant même d’avoir ouvert… Malgré l’apparition des équipements de sécurité (casques, genouillères, coudières, gants…), les nombreux accidents ternissent une nouvelle fois la réputation du skateboard.
Le Skateboarder Magazine se montre alors pessimiste. Le mensuel favori des skateurs américains interrompt sa parution à la fin des années 1970. Son explication est aussi sombre que lapidaire : « le skate est mort » !
Années 1980 : punk rock et professionnalisation
Par l’intermédiaire du magazine Thrasher, publié à partir de 1981, le street skateboarding redynamise la discipline. Un croisement heureux des cultures s’opère entre le skateboard et le punk rock et le slogan « skate and destroy » est l’étendard d’une génération. On s’éloigne alors de la mode « surfeur » des origines.
La destruction de centaines de skateparks pousse les skateurs à s’approprier de nouveaux terrains : murs, rambardes, parkings vides, etc. La tendance est au skate aérien et aux 3 P : piscines, parcs et pipes. Outre les têtes de proue comme Steve Olson (le premier à avoir mixé les modes punk et skate), la contre-culture du skateboard s’affirme grâce à la VHS. Toute une vidéographie met en avant les nouveaux tricks et les figures émergentes du street skateboarding.
Parmi les surdoués de l’époque, on retrouve un certain Tony Hawk. Très propre sur lui, aux antipodes du style punk, le jeune Californien ne s’accorde pas totalement avec son époque. Professionnel dès l’âge de 14 ans, il est chapeauté par son père qui fonde la National Skateboarding Association (NSA). Cette structure, qui organise de nombreuses compétitions à travers les États-Unis, accompagne largement la professionnalisation des meilleurs skateurs à partir du milieu des années 1980.
Années 1990 : règne du marketing et arrivée des X-Games
A l’aube des années 1990, l’industrie du skateboard est dominée par les Big Five : Santa Cruz Skateboards, Independent, Tracker, Powell-Peralta et Vision. Un as du freestyle nommé Steve Rocco va briser cette hégémonie. Ce self-made-man sans complexe souhaite montrer que l’on peut lancer sa marque de skateboards sans être ingénieur ou businessman. Steve Rocco applique les recettes du marketing : le décor des planches sert de valeur ajoutée et la publicité met en scène des skateurs dans l’air du temps.
Les années 1990 sont aussi celles où l’univers du skateboard va produire ses propres codes vestimentaires. Après avoir lorgné du côté des surfeurs puis vers la vague du punk, l’industrie du skateboard crée la mode skateur. Cette nouvelle tendance est perçue avec ambivalence par les jeunes riders : s’ils apprécient le fait d’avoir un style à eux, ils sont aussi capables de le rejeter lorsqu’ils le voient s’exporter dans des magasins de vêtements généralistes !
Lancés en 1993 et sponsorisés par la chaîne de sport ESPN à partir de 1995, les X-Games vont également diviser le monde du skateboard. Détestés par les rebelles du skate qui souhaitent entretenir l’esprit street des années 80, ils sont en revanche plébiscités par de nombreux professionnels. Parmi eux, Andy Macdonald et Tony Hawk se partagent les médailles sur les épreuves de street et de skate vertical. A des années-lumière des valeurs du skate originel ou du punk, les X-Games ont permis au skateboard d’entrer dans le XXIème siècle en lui donnant une visibilité inédite.
Depuis l’an 2000 : renouveau des skateparks et rendez-vous avec le danger
Le nombre d’accidents dus au skateboard n’ayant pas tendance à diminuer, sa pratique est de plus en plus règlementée. En France, les skateurs ont le droit de rouler sur le trottoir s’ils n’excèdent pas 6 km/h. Aux États-Unis, le fait que le skateboard soit reconnu comme une activité de loisir dangereuse par de plus en plus d’États a amorcé un renouveau des skateparks. Aujourd’hui, les États-Unis comptent ainsi plus de 2000 skateparks publics ! La France n’est pas en reste puisqu’on estime à 1000 le nombre de structures à même d’accueillir les skateurs en toute sécurité.
Si les amateurs peuvent désormais assouvir leur passion en toute sécurité (à condition de se protéger), les professionnels risquent parfois leur vie en skatant sur des structures démesurées. Le fameux Loop of Death, sur lequel Tony Hawk s’est fracturé le crâne ou la méga-rampe de Dany Way témoignent d’un goût du risque qui reste influent dans la discipline.
Tiraillé entre la culture underground et la médiatisation, l’histoire du skateboard connaît des périodes de mode puis de reflux. Malgré ces montagnes russes, le skate a toujours su garder une place de choix chez les jeunes générations. Désormais bien reconnu sans pour autant être devenu mainstream, il peut envisager l’avenir sereinement.
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